Lettre ouverte aux élus de Mieussy

Lettre ouverte à M. le Maire de Mieussy et ses Conseillers

Note pour un développement raisonnable de la station de Sommand

Le projet d’Unité Touristique Nouvelle (UTN) de Sommand a été validé par la préfecture l’automne dernier.

Les projets déraisonnables ne semblent pas manquer en ce moment. Après que la mairie ait acheté l’épicerie ( 200 000 € ) pour « garantir les services » aux touristes, après avoir acheté une patinoire (100 000€ + 50 000€ d’équipements collatéraux) pour que les résidents occasionnels de Sommand puissent s’amuser, la commune à travers la régie municipale des remontées mécaniques, serait prête à investir dans des canons à neige et dans un télésiège 6 places débrayable pour un coût total de 8 millions d’euros.

Cela paraît démesuré. Sachant que le chiffre d’affaires de l’hiver 2008/2009 a été de 2 millions d’Euros ( page 22 du bulletin municipal 2009 ), connaissez-vous beaucoup d’entreprises qui sont prêtes à investir 4 fois leur chiffre d’affaires annuel en l’espace d’un an? N’importe quel économiste dirait que cela relève pour le moins de l’aventurisme.

Il s’agit sans doute d’un challenge, mais les challenges peuvent s’entendre pour des acteurs individuels et privés mais certainement pas pour des collectivités locales qui engagent l’ensemble de la population. Dans le Faucigny du 4 mars 2010, la station de la Chapelle d’Abondance, avec un domaine skiable équivalent au nôtre, représente un exemple concret de ce qu’il ne faut pas faire. Avec un investissement de 5,5 millions d’euros dans un télésiège 6 places débrayable ils ont du augmenter le prix du forfait de 30%.

On nous dit que ces investissements seront rentabilisés sur 20 ans. Un calcul rapide, sans compter les intérêts, les aléas climatiques, l’entretien, les pannes éventuelles ou l’achat d’autres matériels, nous montre qu’il faudrait augmenter le chiffre d’affaire de 30%, dès l’an prochain et sur les 20 ans qui viennent, pour parvenir à rentabiliser les installations.

Deux solutions :

-          soit on augmente le prix du forfait de 30% et nous arrivons dans des gammes de prix de Samoëns ou des Gets avec un domaine 2 fois moins grand…

-          soit nous réussissons une performance commerciale inégalée en augmentant la fréquentation de 30% en cette période où toutes les analyses montrent une diminution du nombre de journées skieurs dans l’ensemble des stations françaises…

Quelle que soit la solution choisie, n’oublions pas qu’en cas d’échec, ce seront les impôts locaux qui viendront combler le déficit.

Suite à ces investissements, une augmentation des prix des forfaits  couperait la station de sa clientèle familiale de proximité qui continue de représenter le gros de la fréquentation. Certes cette clientèle ne semble pas prestigieuse aux yeux de certains, mais elle a le grand avantage d’être sur place et fidèle. Elle se dit très satisfaite du modèle de station que représente celui de Sommand. Depuis plusieurs années des offres à prix cassés dans les stations voisines ( Flaine, Avoriaz, Chatel, Les Carroz, Les Gets, Morzine…) en dehors des vacances scolaires montrent que ces stations convoitent cette clientèle.

Alors pourquoi vouloir casser un modèle qui marche ?

Pourquoi vouloir chasser sur les terres des autres stations en permanence à la recherche d’une clientèle aisée et exigeante, tentée par des lieux prestigieux?

Beaucoup de stations essaient de capter cette clientèle, alors jouons avec nos atouts. Ne mettons pas le doigt dans l’engrenage infernal du toujours plus, de l’endettement qui nous contraindra à grossir encore.

Il est temps de transformer le complexe de la petite station en fierté d’être une station en avance sur son temps. Le défit aujourd’hui serait plutôt de conserver cette clientèle en lui présentant une offre correspondant à ses attentes plutôt que de courir après un modèle de développement datant des années 70. Ce modèle montre aujourd’hui ses limites  en période de crise économique grave et de réchauffement climatique. Soyons pragmatiques, arrêtons de copier des stations qui nous envient aujourd’hui notre faible taux d’endettement!

Pour l’instant, l’argument environnemental n’a pas eu besoin d’être évoqué. Nous sommes un peu loin de la prochaine échéance électorale pour que les élus y soient sensibles ( néanmoins 22% des mieusserands ont voté écologiste au premier tour des régionales ).

Nous pourrions nous interroger sur l’impact des constructions futures sur notre eau, sachant que Sommand est le château d’eau de la commune (l’incident de la fuite de fuel à Sommand en 2006, est là pour nous le rappeler).

Nous pourrions aussi nous interroger sur la nécessité de sacrifier le coteau gauche du plateau en construisant des résidences secondaires au faible taux d’occupation et qui devront bénéficier de tous les services de la commune ( ramassage ordures ménagères, déneigement, éclairage public,...). Un modèle qu’on croyait dépassé mais qui n’est pas sans intérêt pour les promoteurs qui savent que ce type d’appartement est encore recherché.

Nous pourrions évoquer le problème crucial d’assainissement de Sommand dont le coût sera conséquent avec un traitement effectué sur Marignier et financé par nous tous.

Nous pourrions aussi poser la question du besoin soi-disant incontournable des canons à neige grands dévoreurs d’eau et d’énergie alors qu’une station sans canon est devenue un vrai argument commercial.

Nous pourrions mettre en garde les élus afin qu’ils ne se laissent pas impressionner par de belles études « d’experts » couteuses, sur papier glacé, qui convergent toutes vers le besoin d’investissement maximum. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on sait qu’ils sont tous formés à la même école de la croissance sans limite et que leurs rémunérations sont au pourcentage des travaux réalisés ?

Des canons à neige auraient-ils sauvé les vacances de Noël? Certainement pas, en raison du redoux que nous avons connu. Mais tout ceci à quel prix? Un calcul a-t-il été effectué pour connaitre les conséquences sur le coût du forfait en rappelant que le seul coût de fonctionnement est estimé à 75 000 euros par an? 

Ne vaut-il pas mieux laisser les remontées à l’arrêt avec des charges minimums plutôt que d’investir dans des installations qui feront inévitablement augmenter ce prix? Il s’agira de garantir des contrats de travail aux saisonniers sur une durée fixe et ainsi limiter leur précarité.

Après tout, nos ancêtres que certains savent si bien citer pour mettre en avant leurs racines locales, nous diraient avec leur bon sens coutumier « Quand y’a de la neige on skie, quand y’en a pas, on skie pas! ». Ça paraît tellement simple.

Une chose est sûre, ces éventuels canons n’ont qu’un seul but : garantir la neige aux promoteurs immobiliers susceptibles d’investir à Sommand. Une fois de plus, on va confondre « faire du tourisme » et « faire de l’immobilier ».

Sans immobilier supplémentaire, pas besoin d’agrandir la capacité du domaine skiable, pas besoin de canons à neige, pas besoin pour la commune de garantir des services.

C’est en fait cette Unité Touristique Nouvelle qui va nous mettre un fil à la patte.

Chaque année, ce sont 7000 nouveaux lits qui se construisent dans les Alpes alors que le nombre de skieurs diminue. Cela ne tient que grâce aux incitations fiscales de la loi De Robien. Mais, cherchez l’erreur ? La tendance actuelle montre un changement de comportement ( réduction des dépenses, diversification des activités au détriment du ski alpin). Jusqu’à quand ce modèle peut-il perdurer? Trop d’offres et pas assez de demandes feront chuter les prix y compris dans les grandes stations et ce n’est pas Sommand qui pourra être concurrentiel. Avant de construire 1200 lits chauds supplémentaires ( un lit chaud est géré par une centrale de réservation ), ne serait-il pas plus pertinent de commencer par remplir l’existant au sein d’une structure de location, plutôt que de gâcher le cadre de vie que viennent chercher les habitués de la station? L’étude préalable à l’UTN nous révèle qu’il faut 4 lits chauds pour avoir un skieur alpin. Un calcul simple nous donne, avec un taux de remplissage de 100%, une augmentation de 300 skieurs dans le meilleur des cas.

Ce courrier n’a pas pour objet de dénigrer sans rien proposer.

Il ne s’agit pas de ne rien faire. Il faut continuer dans la logique qui semblait être celle qui a vu la création du snow-park et du tapis pour débutant. Une orientation tournée vers notre clientèle et non vers celle que nous n’obtiendrons jamais.

Pourquoi ne pas s’orienter vraiment vers les jeunes et les familles en développant le stade d’apprentissage du ski à gauche du tapis  roulant?

Pourquoi ne pas ouvrir l’UTN aux autres saisons ?

Pourquoi ne pas privilégier la construction d’une structure d’accueil pour les groupes ?

Pourquoi ne pas continuer à améliorer l’engazonnage pour pouvoir skier avec seulement quelques centimètres de neige?

Pourquoi ne pas associer le monde agricole dans une réflexion sur le tourisme vert, dont l’engouement ne cesse de croitre?

Pourquoi ne pas créer un espace ludique pour les jeunes du type de ceux qui existe au Québec?

Pourquoi ne pas développer des « ateliers neige » avec les professionnels de la montagne comme des formations sur la sécurité et la recherche de victimes d’avalanches, sur les manteaux neigeux, organiser des constructions d’igloos, développer les balades découverte de la géologie, de la faune et de la flore locale, aménager la tourbière en espace pédagogique?

Pourquoi ne pas vouloir rénover ou remplacer le parc actuel des remontées mécaniques plutôt que de vouloir acheter plus gros, plus fort? Beaucoup de stations le font sans que cela semble leur poser de problème.

Il ne faut pas nier le dynamisme des responsables de la station, ni celui de la municipalité qui ne cesse de vouloir aller de l’avant. Reste à savoir où se trouve l’avant.

Un télésiège 6 places débrayable est-il indispensable à l’ensemble de la collectivité?

La population de Mieussy est en droit d’attendre autre chose de sa municipalité que de se muer uniquement en promoteur touristique privilégiant systématiquement les dépenses de prestige au détriment des services pour les habitants. La station de Sommand ne vaut que si elle représente un intérêt pour l’ensemble des citoyens mieusserands.

De plus l’étude de faisabilité de cette UTN a été réalisée avant la crise économique…il est indispensable d’en tenir compte pour passer à la phase de décision.

Nous demandons que devant un projet aussi important pour l’avenir de notre commune nos élus engagent un débat contradictoire et prennent en compte l’avis de leurs administrés.

Collectif mieusserand pour un développement raisonnable de Sommand

Contact : collectifsommand@hotmail.fr  

Vous pouvez rejoindre ce collectif et y apporter votre contribution en signant la pétition qui circulera sur la commune ou sur internet.

 Une réunion d’information est programmée dans les semaines à venir. Pour vous tenir informé(e) des actions du collectif : http://collectifmieusserandevsommand.over-blog.com

Lire la réponse du Maire de Mieussy